Le Japon cherche à éviter un moratoire sur le commerce du thon rouge


 

Tokyo Correspondance
 


 

Conscient de la diminution des populations de thonidés, le Japon, principal consommateur de ce poisson, fait tout pour éviter une interdiction totale du thon rouge, particulièrement menacé. A la différence de la baleine, que les Japonais continuent de chasser malgré un moratoire et, surtout, une consommation très limitée, Thunnus thynnus reste l'un de leurs mets préférés. En sushi ou en sashimi, il apparaît dans les menus les plus raffinés. La partie la plus savoureuse et la plus grasse de sa viande, le toro, est toujours recherchée.


Pour satisfaire ce plaisir culinaire, le Japon importe 80 % de la production mondiale. Et ne semble pas prêt à y renoncer même si la crise semble être à l'origine d'une légère baisse de la consommation, qui s'établissait à 43 000 tonnes en 2008. Le gouvernement s'efforce même de limiter la hausse des prix, conséquence de la pression internationale grandissante pour réduire les prises. Il a accumulé 24 600 tonnes de stock, ce qui n'a pas empêché une hausse de 20 % entre janvier 2009 et janvier 2010 du prix du thon au marché aux poissons de Tsukiji, à Tokyo.


 

"Baisse inévitable"

L'Archipel, qui doit pourtant accueillir en octobre la Conférence internationale sur la biodiversité, fait également tout pour éviter que le thon rouge de l'Atlantique ne soit inscrit à l'annexe I de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES). Une telle décision, synonyme de moratoire sur son commerce, est proposée par Monaco et soutenue, depuis le 3 février, par la France. Elle pourrait être décidée en mars, lors de la conférence des parties de la CITES.

Dans ce contexte, même l'appel lancé en novembre par la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique (CICTA), pour une baisse de 38,6 % à 13 500 tonnes des quotas de prises pour 2010, a l'air d'un moindre mal pour le Japon.

"Si nous voulons éviter une interdiction totale du commerce, reconnaît Yuichiro Harada, de l'Organisation internationale de promotion d'une pêche responsable du thon, la baisse des quotas est inévitable." Dans le même temps, l'Archipel souhaite une lutte renforcée contre la pêche illégale, en Méditerranée notamment.

Sur le plan intérieur, le gouvernement a demandé, en 2007, aux pêcheurs de relâcher les thons de moins de 2 kg. Pour 2010, il souhaite une réduction des quotas de prises de yokowa, les thons de moins de 20 kg. Il a également validé les réductions de prises de thon rouge dans le Pacifique sud et de thon obèse dans le Pacifique central. Idem pour la baisse du nombre de bateaux déployés pour la pêche au germon et à l'albacore dans l'océan Indien.

En écho à ce qu'il considère comme des concessions sérieuses, le quotidien conservateur Yomiuri a même, dans un éditorial de novembre 2009, appelé la population à faire preuve de "retenue dans sa consommation pour continuer à pouvoir déguster du toro".

Dans le même temps, le gouvernement soutient les recherches pour l'élevage du thon en captivité. Une activité délicate car le thon a besoin de se déplacer en permanence à haute vitesse pour emmagasiner suffisamment d'oxygène. Il lui faut de l'espace.

Il est également un gros mangeur. L'élever en captivité exige de lui fournir quotidiennement d'énormes quantités de sardines, harengs ou anchois. Et puis, le taux de survie des alvins est de seulement 0,4 %, une proportion que des chercheurs de l'université du Kinki ont réussi à porter à 6 %.

Ces travaux sont utiles à Maruha Nichiro, une entreprise spécialisée dans la pisciculture, qui souhaite sortir du système actuel où le pêcheur capture des thons jeunes pour les faire grandir dans des espaces clos. Maruha Nichiro veut passer à la production réalisée à 100 % en captivité.

Le groupe prévoit ses premières livraisons pour l'exercice 2013. Avec l'espoir de rassurer le consommateur attaché à ce poisson qui, pendant la période d'Edo (1603-1868), était pourtant considéré comme de mauvaise qualité, indigne des meilleures tables.


 

Philippe Mesmer