Les crèmes solaires dangereuses pour la santé : vers un scandale des filtres chimiques ?

Il convient d’être prudent avec les crèmes solaires qui contiennent des filtres chimiques. Ces derniers, contenus dans la grande majorité des produits vendus et destinés tant aux adultes qu’aux enfants, suscitent des inquiétudes de la part des experts de la santé et de l’environnement.
 Certains filtres chimiques sont des perturbateurs endocriniens.
Pas moins de 15 millions de tubes de crèmes solaires sont vendus chaque année en France. Considérées comme inoffensives jusqu’à récemment, ces crèmes sont désormais sujettes à controverse suite à la publication d’études indiquant que les filtres contenus dans ces crèmes présentent un caractère nocif pour la santé et l’environnement. Les filtres chimiques, qui ont un rôle protecteur contre les UVB et les UVA, auraient au sein même de l’organisme un effet similaire à celui des oestrogènes en pouvant provoquer un déséquilibre hormonal. 

Oxybenzone et malformations génitales

Plus en détail, dans le cadre du programme de recherche européen Credo visant à connaître les risques des perturbateurs endocriniens, 9 filtres chimiques solaires ont été analysés. Parmis eux, l’oxybenzone, tout en étant hautement allergène, traverserait la barrière de la peau et peut se glisser dans le sang, l’urine et même le lait maternel. D’après la chercheuse Margret Schlumpf de l’Institut de pharmacologie et de toxicologie de l’Université de Zurich, en Suisse, ces expériences menées sur les rats attestent de malformation génitales suite à l’exposition à cette substance, et notamment un grossissement de la prostate.

Le 4-MBC et le 3-MBC : perturbateurs endocriniens

Un autre filtre chimique potentiellement dangereux pour les humains a été isolé : le 4-MBC et le 3- BC qui retarderaient la puberté des mâle, avancerait celle des femelles et auraient un impact sur le développement des organes reproducteurs. Margaret Schlumpf déconseille d’ailleurs l’utilisation de ces filtres sur les enfants et les femmes enceintes car pour elle, le risque potentiel existe pour les humains.

Dans les zones touristiques, le blanchiment des coraux dû aux crèmes solaires est alarmant

Dans notre environnement, ce sont les récifs de corail qui, en premier lieu, feraient les frais de ces crèmes. Des chercheurs spécialisés en biologie sous-marine, qui pointent le fait que 4.000 tonnes de résidus de crèmes solaires se déposent chaque année sur des massifs coralliens, soulignent qu’un dixième de cette végétation en est affectée. La maladie se développe ainsi à vue d’œil chez les coraux, qui finissent par blanchir et mourir. Il s’agit d’un désastre écologique lorsque l’on sait que les coraux constituent l’un des écosystèmes les plus importants de la planète.
 
Deux des filtres UV, le 4-méthyl benzylidène camphre (4-MBC) et l’octocrylène (OC) ont par ailleurs été détectés dans les lacs suisses chez les poissons nageant dans ces eaux, affectant particulièrement les truites. Des composants ont également été retrouvés dans le fjord d’Oslo, en Norvège, et dans l’eau du robinet en Californie. Le Docteur Ari Demirjian, dermatologue à la clinique privée de dermatologie à Montréal, concède qu’« il est préférable d’utiliser un écran qui ne contient pas ces molécules » afin de sauvegarder la faune sous-marine.

Une solution alternative : les filtres minéraux

En réponse à la dangerosité des crèmes solaires communes, plusieurs marques écologiques ont conçu des crèmes voyant les filtres chimiques remplacés par des filtres minéraux naturels.
 Ces nouvelles crèmes présentent plusieurs avantages : elles sont efficaces contre les différents types d’UV, protègent efficacement dès l’application alors qu’il faut attendre 20 minutes pour les filtres synthétiques, et accumulent les éloges en terme d’efficacité de la part des adeptes. Enfin, contrairement aux filtres chimiques, les filtres naturels seraient plus stables à la lumière. En effet au bout de 2 heures, les filtres chimiques ne sont plus capables d’assurer une bonne protection de la peau.
 Mais les filtres minéraux ne sont pour autant pas parfaits. Par exemple, le dioxyde de titane, est aussi sujets à débat puisqu’ils pourrait s’introduire dans la circulation sanguine sans que les effets induits en soient encore connus. Pour éviter cet inconvénient, il faudrait d’après le dermatologue Ari Demirjian que le dioxyde de titane soit encapsulé dans un polymère, mais ceci n’est pas précisé sur l’étiquette du produit.

En attendant, aucune mesure sanitaire n’est prise

Pour les autorités, la prévention des cancers de la peau est prioritaire aux risques dénoncés sur les filtres chimiques

A ce jour, les autorités sanitaires n’ont pas encore tranché sur la question. En France, l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail souhaite la mise en place de nouvelles études, et aux Etats-Unis, la Food and Drug Administration (FDA) suggère la mise au point de méthodes d’évaluation spécifiques. Selon le Docteur Claveau, dermatologue à la clinique du mélomane et des cancers cutanés à l’Hôtel Dieu de Québec, « ce sont les cas de cancer de la peau qui occupent pour le moment le devant de la scène ». 

La majorité des marques de crèmes solaires ne veulent pas communiquer sur le sujet

Seule l’Union européenne a franchi un pas en obligeant les sociétés à indiquer clairement sur le produit que celui-ci contient de l’oxybenzone. Les marques de crèmes solaires gardent quant à elle le silence sur cette question délicate. Dans le reportage « Les crèmes solaires en question » mené par Envoyé Spécial, seule L’Oréal a accepté de répondre aux journalistes. La marque a supprimé l’oxybenzone de ses crèmes mais conserve certaines substance jugées suspectes par certains tant que leur présence n’est pas jugée dangereuse par la marque. 

Comment choisir un bon écran solaire minéral ?

Aujourd’hui, des tests comparatifs sur les écrans solaires prenant véritablement en compte l’aspect environnemental ne sont pas disponibles. Pour choisir un écran solaire minéral, il faut donc se reporter aux comparatifs faits par les ONG et associations de consommateurs afin de s’assurer de la qualité de la protection, et privilégier les produits qui ne contiennent pas de filtres chimiques, ou de filtres qui seraient instables ou susceptibles de passer dans le sang.

Voici à titre indicatif des tests comparatifs récents que vous pouvez consultez :

De l’avis de notre rédaction, après avoir été testé par plusieurs d’entre nous, l’écran minéral de la marque Uriage indice 50 nous paraît de bonne qualité. Si vous avez vous aussi testé des crèmes aux filtres minéraux, n’hésitez pas à recommander d’autres marques dans la partie commentaires.

Les filtres minéraux recommandés : l’oxyde de zinc ou le dioxyde de titane

Pour le dermatologue montréalais, Ari Demirjian, l’écran physique recommandé est l’oxyde de zinc ou le dioxyde de titane. Le filtre chimique qu’il privilégie est le Parsol 1789 (aussi appelé avobenzone), combiné à de l’octocrylène ou à du Mexoryl. La combinaison est importante : tout seul, le Parsol 1789 est instable et ne conserve pas ses propriétés. Mais lorsqu’il est associé à de l’octocrylène, son efficacité est garantie. Évidemment, il ne suffit pas de mettre les deux ingrédients dans la bouteille et de secouer. La façon dont la crème est formulée a son importance. 

Lire les étiquettes pour repérer et éviter :

- Les filtres ayant une activité œstrogénique sur les rats

  • Benzophénone-1 (BP-1), Benzophénone-2 (BP-2)
  • Benzophénone-3 (BP-3 ou BZ-3 ou oxybenzone)
  • 4-méthylbenzylidène camphre (4-MBC)
  • 3-benzylidène camphre (3-BC)
  • Octyl-méthoxycinnamate (OMC)
  • Source : Margaret Schlumpf, Toxicology, décembre 2004

- Les filtres instables à la lumière

  • Oxybenzone (benzophénone-3)
  • Octyl-méthoxycinnamate (OMC)
  • La stabilité de l’oxybenzone est un sujet de controverse. L’industrie des filtres solaires affirme (évidemment !) qu’il est très stable ; des scientifiques indépendants le disent “relativement” photostable. Mais des chercheurs de l’université de Hambourg, en Allemagne, ont démontré qu’il est rapidement oxydé par la lumière.

- Les filtres qui traversent la barrière de la peau

  • Oxybenzone (benzophénone-3)
  • Octyl-méthoxycinnamate (OMC) faiblement
  • 4-méthylbenzylidène camphre (4 MBC) faiblement

- Les ingrédients à bannir

  • PABA et Padimate O : Ces ingrédients ont déjà été abandonnés par beaucoup de fabricants, car ils sont allergènes. Mais ils ont également des propriétés “photomutagéniques”, c’est-à-dire qu’ils peuvent engendrer des modifications génétiques dans les cellules de la peau, sous l’effet de la lumière.