article des echos du 21/08
Ostréiculture : le pire
reste à venir Après la vague de mortalité qui a frappé
entre 70 et 100 % des jeunes huîtres sur le littoral français au début de
l'été, la filière se prépare à des années difficiles. En 2010-2011, les
ostréiculteurs disposeront de seulement 20 % de la production d'une année
normale. Recours aux huîtres sauvages, sélection de souches d'huîtres
résistantes au virus : plusieurs pistes sont à l'étude pour résoudre le
problème.
DE NOTRE CORRESPONDANT À LA
ROCHELLE.
La découverte par les chercheurs de
l'Ifremer de l'origine de la vague de mortalité qui a frappé les jeunes
huîtres sur le littoral français au début de l'été, le virus Ostreid herpes
virus associé à la bactérie Vibrio splendidus (« Les Echos » du 1er août),
n'a pas rassuré les ostréiculteurs du bassin de Marennes-Oléron, première
région ostréicole française.« Les chercheurs avaient la pression ; il
fallait qu'ils trouvent quelque chose, alors ils ont trouvé ce virus,
dit Alain Bertin, ostréiculteur à La Tremblade. Ce virus était déjà
présent les années précédentes ; pourquoi est-il soudainement devenu tueur ?
Je suis inquiet, pourquoi cela ne recommencerait-il pas dans deux mois ? Il
n'y a aucune logique dans cette histoire. »
« C'est une explication plausible,
admet cependant François Patsouris, président de la section régionale
conchylicole de Marennes-Oléron, et par ailleurs vice-président de la région
Poitou-Charentes. Mais les professionnels ne sont pas convaincus. »
La mortalité des huîtres d'un an, celles
qui sont normalement destinées au réveillon 2010, a atteint entre 70 et 100
% selon les sites, alors que les huîtres adultes n'étaient pas touchées. Les
effets de cette crise sanitaire seront donc différés dans le temps, sachant
qu'il faut en moyenne trois ans à une huître pour atteindre sa taille de
commercialisation. « Pour la saison 2008-2009, estime François
Patsouris, nous avons ce qu'il faut, les huîtres poussent, elles sont
belles, et le tonnage sera normal. L'année suivante, nous aurons des soucis
avec seulement 70 % de la production normale, ce qu'on pourra peut-être
compenser. Mais en 2010-2011, ce sera la catastrophe, nous aurons seulement
20 % d'une année normale, et il n'y a pas de solution de rechange. »
D'ores et déjà, le leader ostréicole
évalue le sinistre à 53 millions d'euros pour la seule Charente-Maritime et
compte demander la mise en place d'un dispositif d'aide doté de financements
européens.
Plusieurs pistes sont à l'étude, comme
de recourir aux huîtres sauvages qui parsèment les fonds marins afin de
reconstituer partiellement le cheptel. François Patsouris suggère aussi de
mettre au point avec Ifremer un protocole de sélection de souches d'huîtres
résistantes au virus. « Nous pourrions suivre l'exemple des agriculteurs.
En ostréiculture, nous n'avons jamais fait de sélection, nous avons toujours
travaillé l'huître telle qu'elle est dans la nature. »
Les limites de la
transhumance
La crise de l'été 2008 pourrait
également déboucher sur une réflexion sur les pratiques professionnelles des
ostréiculteurs. Les exploitants de Marennes-Oléron envoient en effet leurs
jeunes huîtres grandir sur les côtes bretonnes ou normandes, où elles
bénéficient d'une croissance plus rapide, avant de les rapatrier pour
l'affinage et la commercialisation. « Ce système de transhumance atteint
peut-être ses limites, observe François Patsouris, d'une part à cause
du prix du carburant, mais aussi de la possibilité que ces déplacements
aient contribué à propager les agents pathogènes. »
La Charente-Maritime produit
annuellement 40.000 tonnes d'huîtres, à quoi s'ajoute la commercialisation
de 20.000 tonnes provenant des autres régions ostréicoles, sur une
production totale française de 130.000 tonnes. L'ostréiculture dans le
département représente quelque 4.000 emplois pour un chiffre d'affaires
d'environ 300 millions d'euros.
JEAN ROQUECAVE