AFP – 09-septembre-07

 

La "libyanisation" de bateaux de pêche au thon rouge inquiète experts et écologistes

Il y a 3 heures

 

MARSEILLE (AFP) — Attirés par les riches stocks de thon rouge atlantique au large de la Libye, des thoniers-senneurs notamment français exploitent désormais certains bateaux sous pavillon libyen, une pratique qui inquiète experts et organisations écologistes dans un contexte de surpêche.

 

"Des thoniers de France, d'Italie, de Tunisie et de Turquie opèrent des bateaux sous pavillon libyen avec un partenaire libyen", a affirmé à l'AFP un expert international spécialiste du dossier thon rouge qui a souhaité garder l'anonymat.

 

Les registres de la Commission internationale pour la conservation des thonidés (Iccat), consultés par l'AFP, montrent que de nombreux bateaux français, italiens ou tunisiens sont passés sous pavillon libyen.

 

Dans le port de Saumaty, à Marseille, deux thoniers dans ce cas sont à quai depuis des semaines, le Tuna Libya et le Ras Eten, a constaté l'AFP. Tous deux sont d'anciens bateaux français, respectivement le Provence-Alpes-Côte d'Azur et le Marcal II. Ils sont stationnés à côté des nouveaux bateaux de leurs armateurs français, le Provence-Alpes-Côte d'Azur II et le Marcal III.

 

A Sète (Hérault), fief de grands pêcheurs de thon rouge de Méditerranée, au moins cinq ex-bateaux français battant pavillon libyen sont au port.

 

"Il y a des investissements français dans ces bateaux libyens, c'est un fait sinon vous ne les verriez pas à Sète ou Marseille. Ces bateaux pêchent sous quota libyen", ont confirmé à l'AFP plusieurs interlocuteurs des affaires maritimes françaises.

 

"Nous exploitons environ dix bateaux pour la pêche au thon rouge atlantique avec des Français à travers des entreprises communes. 70 à 80% de l'équipage est français dont le capitaine", a affirmé par téléphone à l'AFP Khaled Ouz, responsable des investissements pêche de la société libyenne Ras Al Hilal Marine services, propriétaire officiel du Ras Eten stationné à Marseille ainsi que d'autres anciens thoniers français. D'autres sociétés libyennes opèrent avec des armateurs français ou italiens.

 

En revanche, pas de commentaire sur le partage de la manne financière tirée du thon rouge atlantique.

 

Pour le vice-président du Syndicat des thoniers méditerranéens, Serge Perez, "ces investissements en Libye, c'est ce que font des milliers de sociétés françaises en investissant à l'étranger". "La coopération avec la Libye se fait soit à travers des sociétés mixtes, soit à travers une aide technique", a-t-il précisé à l'AFP, en affirmant que l'Union européenne (UE) avait encouragé ces partenariats en 2001-2002.

 

"Il n'y aurait absolument pas de problème si on était sûr que la Libye effectuait une mission de contrôle des quotas", ont expliqué à l'AFP deux experts internationaux sous couvert d'anonymat, tout en soulignant que la Libye a clamé des eaux territoriales plus larges que la norme en Méditerranée.

 

Or, les organisations de défense de l'environnement, WWF ou Greenpeace notamment, et les experts estiment que les contrôles libyens sur les quantités pêchées ne sont pas sans faille.

 

"Le problème de cette pêche +délocalisée+ en Libye, c'est qu'elle devient totalement illisible en matière de quotas. Ces investissements brouillent les cartes pour la gestion de la ressource", estime le directeur de la campagne Océans de Greenpeace France, Stephan Beaucher.

 

M. Perez soutient, lui, que le respect des quotas est contrôlé par la Libye qui est membre de l'Iccat.

 

Dans un contexte de déclin de la ressource en thon rouge, l'UE a durci en juin les conditions de pêche avec la diminution de 10% dès cette année des quotas des Etats membres et la limitation des sorties en mer à six mois par an.

 

 

 

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