http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3244,36-981780@51-981889,0.html

'est un tournant dans la politique de protection de la biodiversité en
France : après avoir longtemps été oubliée, la mer est désormais une
priorité.

A l'occasion du premier colloque national sur les aires marines protégées,
organisé à Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), du mardi 20 au jeudi 22
novembre, par le comité français de l'Union mondiale pour la nature
(UICN), le gouvernement a dévoilé sa stratégie pour atteindre 10 % d'aires
marines protégées, en 2012, dans les zones sous juridiction française,
contre 0,19 % aujourd'hui.

La faune et la flore des océans sont menacées par les multiples activités
humaines en mer. "Sur les 1 300 espèces marines dont l'état a été évalué
par l'UICN, quatre cents sont menacées d'extinction", explique Christophe
Lefebvre, spécialiste de la mer au comité français de l'UICN. Sont
concernées la totalité des espèces d'albatros et la plupart des tortues
marines, de nombreux dauphins, baleines, phoques ou requins, et une
centaine d'espèces de poissons, décimées par la pêche commerciale.

INTERDIRE L'ACTIVITÉ HUMAINE

Pour tenter d'enrayer cette dégradation, la convention sur la diversité
biologique des Nations unis recommande la constitution d'un réseau d'aires
marines protégées couvrant au moins 10 % de la surface des océans d'ici
2012, en particulier dans les zones proches du littoral, où se concentre
la biodiversité. Selon les scientifiques, toute activité humaine devrait
être interdite dans ces zones. Seulement 0,6 % des espaces marins du globe
est couvert aujourd'hui.

Pour atteindre l'objectif, la France, dont le domaine maritime est le
deuxième au monde, derrière les Etats-Unis, mise sur un nouvel outil : le
parc naturel marin. Le premier du genre a été créé cette année en mer
d'Iroise, au large du Finistère, et une dizaine d'autres devrait suivre.

Des "priorités géographiques" ont été rendues publiques à
Boulogne-sur-Mer. Malgré la richesse exceptionnelle de la biodiversité
outre-mer, cette liste concerne pour l'instant la seule métropole. La
création d'un parc est acquise sur la Côte vermeille, dans les
Pyrénées-Orientales. Le bassin d'Arcachon, la zone regroupant les
estuaires de la Gironde et les pertuis charentais, ainsi que la région des
trois estuaires de la Somme, de l'Authie, et de la Canche, devraient
suivre.

D'autres sites doivent faire l'objet d'études supplémentaires : le golfe
normano-breton, le sud de la Bretagne et la Corse. "Tous ces sites
comprennent les milieux naturels les plus féconds, les plus sensibles, les
plus riches", explique Jérôme Bignon, député (UMP) de la Somme et
président de l'Agence des aires marines protégées, établissement public,
créé en 2007, pour mener ce travail.

L'activité humaine est importante dans ces zones : la pêche
professionnelle mais aussi la pêche de plaisance, qui n'est pas contrôlée.
Par exemple, quand 4 500 tonnes de bar sont pêchés chaque année par des
professionnels, 5 000 tonnes le sont par des plaisanciers. Sans oublier la
conchyliculture, l'exploitation des algues, le trafic maritime, les
activités touristiques, la recherche d'hydrocarbures, les activités de
l'armée... L'extraction de granulats pour la construction et
l'implantation d'éoliennes sont en plein développement.

Le statut de parc naturel marin n'impose pas de règles a priori. Il permet
de réunir tous les usagers de la mer et d'élaborer avec eux, en trois ans,
un plan de gestion, qui peut comporter certaines interdictions d'accès,
mais aussi des codes de bonne conduite, des mesures techniques plus
respectueuses de l'environnement, etc. "Ce sont des espaces où l'on
pensera et l'on agira différemment, et où tous les actes seront
subordonnés aux objectifs de protection de la biodiversité", affirme
Christian Barthot, du ministère de l'écologie.

Les associations de défense de l'environnement font pression pour la
création d'un maximum de zones où les activités humaines seront
interdites.

La réussite de chaque parc dépendra largement de l'implication des élus
locaux et de la bonne ou mauvaise volonté des représentants des usagers.
"Une fois le parc créé, le plus difficile reste à faire", reconnaît
Geneviève Rousseau, directrice adjointe de l'Agence des aires marines
protégées. Le risque est d'aboutir à des coquilles vides ou à un système à
plusieurs vitesses.

"Pour obtenir une reconnaissance nationale et internationale, les parcs
marins devront faire leurs preuves", affirme Sébastien Moncorps, président
du comité français de l'UICN. Certaines décisions auront valeur de test,
comme l'autorisation ou non d'un projet d'extraction de granulats dans le
parc marin d'Iroise ou la création d'un terminal méthanier au
Verdon-sur-Mer (Le Monde du 16 novembre), dans le futur parc de la
Gironde.
Gaëlle Dupont