Pêche: Bruxelles veut mettre fin au
rejet massif en mer de poissons morts
Le commissaire européen à la
Pêche Joe Borg, le 28 mars 2007 à Bruxelles (Photo Gérard Cerles/AFP) |
Mercredi
28 mars 2007, 18h11
Bruxelles s'est engagé mercredi à mettre fin au gâchis des millions de tonnes
de poissons capturés involontairement dans les filets des pêcheurs et rejetés
morts par dessus bord, une initiative saluée par le WWF mais contestée par des
professionnels français.
"Il faut
arrêter le gaspillage, une telle perte de ressources précieuses n'a aucun sens
d'un point de vue économique, écologique, et éthique", a plaidé le commissaire
à la Pêche Joe Borg, en présentant son projet au cours d'une conférence de
presse.
Selon la
Commission, les chalutiers rejettent en effet une partie non négligeable des
poissons, crustacés et mollusques qu'ils capturent, soit parce qu'ils sont trop
petits ou trop jeunes, soit parce qu'ils n'ont pas assez de valeur marchande,
ou encore parce que les bateaux ne disposent pas des autorisations de pêche -ou
quotas- nécessaires.
Ainsi, dans
l'Atlantique Nord, plus de 1,3 million de tonnes de poisson, soit 13% du volume total des pêches,
ont été rejetées à la mer en 2005, selon une étude de l'Organisation des
Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), citée par Bruxelles.
L'Atlantique Nord est la principale zone de pêche de l'Union européenne.
Certains
chiffres sont encore plus alarmants. En mer du Nord, les bateaux qui pêchent la
sole rejettent 80% des plies qui sont capturées avec. Et ceux qui pêchent la
langoustine larguent 51% des cabillauds attrapés involontairement. Un comble
alors que le cabillaud est une espèce menacée.
Un morutier français dans les
eaux de la mer de Barents le 21 décembre 2004 (Photo Marcel
Mochet/AFP/Archives) |
La Commission
veut donc mettre en place une série de mesures techniques et de contrôles pour
aboutir progressivement à l'interdiction des rejets, à l'instar des politiques
déjà menées avec succès par la Norvège et l'Islande.
Des filets de
pêche mieux adaptés, l'instauration de taxes sur les rejets et la fermeture de
certaines zones de pêche figurent parmi les pistes évoquées.
Pour en
atténuer l'impact à court terme sur les revenus des pêcheurs, M. Borg a évoqué
des "compensations" financières. A long terme, l'interdiction des
rejets contribuera à restaurer les stocks de poissons, largement dégradés, et
sera donc bénéfique aux pêcheurs eux-mêmes, a-t-il assuré.
L'organisation
écologiste, le Fonds mondial pour la nature (WWF), a salué "une initiative
positive", mais souligné que sa "réussite dépendrait de la volonté
des Etats membres de l'UE de la mettre en oeuvre, sans quoi ce ne sera qu'une
goutte d'eau dans la mer".
En 2002, la Commission
avait déjà voulu s'attaquer à ce problème des rejets, mais les Etats membres ne
l'avaient pas suivie.
Une
organisation de pêcheurs français a en revanche vigoureusement contesté
l'analyse de la Commission, estimant les chiffres des rejets erronés et le
problème exagéré.
"On est
en train de fantasmer sur un faux problème", a déclaré à l'AFP
Pierre-Georges Dachicourt, président du Comité des pêches maritimes et des
élevages marins.
Les chiffres
produits par la Commission sont "absolument faux", a-t-il ajouté,
expliquant que les rejets sont en réalité minimes, et inévitables.
M. Dachicourt
a estimé "irrationnel" de ramener à terre toute la pêche et s'est
indigné d'une nouvelle stigmatisation de sa profession. "On présente au
grand public les pêcheurs comme des pilleurs de la mer", a-t-il déploré.
Selon lui,
les rejets auraient même une utilité pour la chaîne alimentaire marine. Il
s'est ainsi interrogé sur le sort "des mouettes qui suivent les bateaux et
qui n'auront plus à manger" si les rejets sont bannis.
D'après le
calendrier fixé par Bruxelles, les Etats membres de l'UE et les professionnels,
ainsi que les ONG environnementales doivent maintenant discuter pendant
plusieurs mois sur le projet avec la Commission. Puis l'exécutif européen
devrait proposer des mesures concrètes courant 2008.